Le Candidat

Comédie en quatre actes représentée sur le théâtre du Vaudeville les 11, 12, 13 et 14 mars 1874

Rédaction
1873
Première édition
Paris, Georges Charpentier, 1874
Saisie par
François Lapèlerie
Détails

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Résumé

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Chapitrage

Le Candidat

Comédie en quatre actes représentée sur le théâtre du Vaudeville les 11, 12, 13 et 14 mars 1874

Rédaction
1873
Première édition
Paris, Georges Charpentier, 1874
Saisie par
François Lapèlerie
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ACTE PREMIER – SCÈNE X

SCÈNE XI

ROUSSELIN, MUREL.

ROUSSELIN, se précipite sur Murel, et l’embrassant : Ah ! mon ami ! mon ami ! mon ami !
MUREL : Trouvez-vous la chose bien conduite ?
ROUSSELIN : C’est-à-dire que je ne peux pas vous exprimer...
MUREL : Vous en aviez envie, avouez-le ?
ROUSSELIN : J’en serais mort ! Au bout d’un an que je m’étais retiré ici, à la campagne, j’ai senti peu à peu comme une langueur.. Je devenais lourd. Je m’endormais le soir, après le dîner ; et le médecin a dit à ma femme : « Il faut que votre mari s’occupe ! » Alors j’ai cherché en moi-même ce que je pourrais bien faire.
MUREL : Et vous avez pensé à la députation ?
ROUSSELIN : Naturellement ! Du reste, j’arrivais à l’âge où l’on se doit ça. J’ai donc acheté une bibliothèque. J’ai pris un abonnement au Moniteur.
MUREL : Vous vous êtes mis à travailler, enfin !
ROUSSELIN : Je me suis fait, premièrement, admettre dans une société d’archéologie, et j’ai commencé à recevoir, par la poste, des brochures. Puis, j’ai été du conseil municipal, du conseil d’arrondissement, enfin du conseil général ; et dans toutes les questions importantes, de peur de me compromettre... je souriais. Oh ! le sourire, quelquefois, est d’une ressource !
MUREL : Mais le public n’était pas fixé sur vos opinions, et il a fallu — vous ne savez peut-être pas...
ROUSSELIN : Oui ! je sais... c’est vous, vous seul !
MUREL : Non, vous ne savez pas !
ROUSSELIN : Si fait ! ah ! quel diplomate !
MUREL, à part : Il y mord. (Haut.) Les ouvriers de ma fabrique étaient hostiles au début. Des hommes redoutables, mon ami ! A présent, tous dans votre main !
ROUSSELIN : Vous valez votre pesant d’or !
MUREL, à part : Je n’en demande pas tant !
ROUSSELIN, le contemplant : Tenez ! vous êtes pour moi... plus qu’un frère !... comme mon enfant !
MUREL, avec lenteur : Mais... je pourrais... l’être.
ROUSSELIN : Sans doute ! en admettant que je sois plus vieux.
MUREL, avec un rire forcé : Ou moi... en devenant votre gendre. Voudriez-vous ?
ROUSSELIN, avec le même rire : Farceur !... vous ne voudriez pas vous-même !
MUREL : Parbleu ! oui !
ROUSSELIN : Allons donc ! avec vos habitudes parisiennes !
MUREL : Je vis en province !
ROUSSELIN : Eh ! on ne se marie pas à votre âge !
MUREL : Trente-quatre ans, c’est l’époque !
ROUSSELIN : Quand on a, devant soi, un avenir comme le vôtre !
MUREL : Eh ! mon avenir s’en trouverait singulièrement...
ROUSSELIN : Raisonnons ; vous êtes tout simplement le directeur de la filature de Bugnaux, représentant de la compagnie flamande.. Appointements : vingt mille.
MUREL : Plus une part considérable dans les bénéfices !
ROUSSELIN : Mais l’année où on n’en fait pas ? Et puis, on peut très bien vous mettre à la porte.
MUREL : J’irai ailleurs, où je trouverai...
ROUSSELIN : Mais vous avez des dettes ! des billets en souffrance ! on vous harcèle !
MUREL : Et ma fortune, à moi ! sans compter que plus tard...
ROUSSELIN : Vous allez me parler de l’héritage de votre tante ? Vous n’y comptez pas vous-même. Elle habite à deux cents lieues d’ici, et vous êtes fâchés !
MUREL, à part : Il sait tout, cet animal-là !
ROUSSELIN : Bref, mon cher, et quoique je ne doute nullement de votre intelligence ni de votre activité, j’aimerais mieux donner ma fille... à un homme...
MUREL : Qui n’aurait rien du tout, et qui serait bête !
ROUSSELIN : Non ! mais dont la fortune, quoique minime, serait certaine !
MUREL : Ah ! par exemple !
ROUSSELIN : Oui, monsieur, à un modeste rentier, à un petit propriétaire de campagne.
MUREL : Voilà le cas que vous faites du travail !
ROUSSELIN : Écoutez donc ! l’industrie, ça n’est pas sûr ; et un bon père de famille doit y regarder à deux fois.
MUREL : Enfin, vous me refusez votre fille ?
ROUSSELIN : Forcément ! et en bonne conscience, ce n’est pas ma faute ! sans rancune, n’est-ce pas ? (Appelant.) Pierre ! mon buvard, et un encrier ! Asseyez-vous là ! Vous allez préparer ma profession de foi aux électeurs.

(Pierre apporte ce que Rousselin a demandé, et le dépose sur la petite table à droite.)

MUREL : Moi ! que je...
ROUSSELIN : Nous la reverrons ensemble ! Mais commencez d’abord. Avec votre verve, je ne suis pas inquiet ! Ah ! vous m’avez donné tout à l’heure un bon coup d’épaule, pour mon discours ! Je ne vous tiens pas quitte ! Est-il gentil ! — Je vous laisse ! Moi, je vais à mes petites affaires ! Quelque chose d’enlevé, n’est-ce pas ? — du feu ? (Il sort.)

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