Franz Marc, Saint Julien L'Hospitalier, 1913, Aquarelle, gouache et poudre de bronze sur papier, 46 x 40, 2 cm, Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Solomon R. Guggenheim Founding Collection.

Trois contes

Rédaction
1875-1877
Première édition
Paris, Georges Charpentier, 1877
Saisie par
Peter Michael Wetherill
Détails

Trois contes a été composé pendant une interruption de deux années dans la rédaction de Bouvard et Pécuchet, en commençant par La Légende de saint Julien l’Hospitalier. Ce récit, dont l’idée remonte à 1856, a été placé en deuxième position dans le recueil, qui suit une remontée dans le temps : Un cœur simple se passe au XIXe siècle, La Légende se situe au Moyen Âge et Hérodias dans l’Antiquité. Chacun des textes a été prépublié dans la presse, avant de paraître en volume au mois d’avril 1877 chez l’éditeur Charpentier. C’est la dernière œuvre publiée en librairie du vivant de Flaubert.

Édition originale en ligne sur Gallica.

Documentation.

Chapitrage

Trois contes

Rédaction
1875-1877
Première édition
Paris, Georges Charpentier, 1877
Saisie par
Peter Michael Wetherill
Détails

Trois contes a été composé pendant une interruption de deux années dans la rédaction de Bouvard et Pécuchet, en commençant par La Légende de saint Julien l’Hospitalier. Ce récit, dont l’idée remonte à 1856, a été placé en deuxième position dans le recueil, qui suit une remontée dans le temps : Un cœur simple se passe au XIXe siècle, La Légende se situe au Moyen Âge et Hérodias dans l’Antiquité. Chacun des textes a été prépublié dans la presse, avant de paraître en volume au mois d’avril 1877 chez l’éditeur Charpentier. C’est la dernière œuvre publiée en librairie du vivant de Flaubert.

Édition originale en ligne sur Gallica.

Documentation.

Chapitrage

Un cœur simple – II

Trois contes

Un cœur simple

I

Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l’Évêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité.

Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse, — qui cependant n’était pas une personne agréable.

Elle avait épousé un beau garçon sans fortune, mort au commencement de 1809, en lui laissant deux enfants très jeunes avec une quantité de dettes. Alors elle vendit ses immeubles, sauf la ferme de Toucques et la ferme de Geffosses, dont les rentes montaient à 5 000 francs tout au plus, et elle quitta sa maison de Saint-Melaine pour en habiter une autre moins dispendieuse, ayant appartenu à ses ancêtres et placée derrière les halles.

Cette maison, revêtue d’ardoises, se trouvait entre un passage et une ruelle aboutissant à la rivière. Elle avait intérieurement des différences de niveau qui faisaient trébucher. Un vestibule étroit séparait la cuisine de la salle où Mme Aubain se tenait tout le long du jour, assise près de la croisée dans un fauteuil de paille. Contre le lambris, peint en blanc, s’alignaient huit chaises d’acajou. Un vieux piano supportait, sous un baromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons. Deux bergères de tapisserie flanquaient la cheminée en marbre jaune et de style Louis XV. La pendule, au milieu, représentait un temple de Vesta ; — et tout l’appartement sentait un peu le moisi, car le plancher était plus bas que le jardin.

Au premier étage, il y avait d’abord la chambre de « Madame », très grande, tendue d’un papier à fleurs pâles, et contenant le portrait de « Monsieur » en costume de muscadin. Elle communiquait avec une chambre plus petite, où l’on voyait deux couchettes d’enfants, sans matelas. Puis venait le salon, toujours fermé, et rempli de meubles recouverts d’un drap. Ensuite un corridor menait à un cabinet d’étude ; des livres et des paperasses garnissaient les rayons d’une bibliothèque entourant de ses trois côtés un large bureau de bois noir. Les deux panneaux en retour disparaissaient sous des dessins à la plume, des paysages à la gouache et des gravures d’Audran, souvenirs d’un temps meilleur et d’un luxe évanoui. Une lucarne au second étage éclairait la chambre de Félicité, ayant vue sur les prairies.

Elle se levait dès l’aube, pour ne pas manquer la messe, et travaillait jusqu’au soir sans interruption ; puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre et la porte bien close, elle enfouissait la bûche sous les cendres et s’endormait devant l’âtre, son rosaire à la main. Personne, dans les marchandages, ne montrait plus d’entêtement. Quant à la propreté, le poli de ses casseroles faisait le désespoir des autres servantes. Économe, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt sur la table les miettes de son pain, — un pain de douze livres, cuit exprès pour elle, et qui durait vingt jours.

En toute saison elle portait un mouchoir d’indienne fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui cachant les cheveux, des bas gris, un jupon rouge, et par-dessus sa camisole un tablier à bavette, comme les infirmières d’hôpital.

Son visage était maigre et sa voix aiguë. À vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante. Dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun âge ; — et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d’une manière automatique.

Ce site dédié à Flaubert a été fondé en 2001 par Yvan Leclerc, professeur de littérature du XIXe siècle à l’Université de Rouen, qui l'a animé et dirigé pendant vingt ans. La consultation de l’ensemble de ses contenus est libre et gratuite. Il a pour vocation de permettre la lecture en ligne des œuvres, la consultation des manuscrits et de leur transcription, l’accès à une riche documentation, à des publications scientifiques et à des ressources pédagogiques. Il est également conçu comme un outil pédagogique à la disposition des enseignants et des étudiants. La présente version du site a été réalisée en 2021 par la société NoriPyt sous la responsabilité scientifique de François Vanoosthuyse, professeur de littérature du XIXe siècle à l’Université de Rouen Normandie. Les contributeurs au site Flaubert constituent une équipe internationale et pluridisciplinaire de chercheurs.

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