Traduction inédite de Novembre en chinois · Centre Gustave Flaubert

Novembre lu par Lu Dan

Lu par Lu Dan

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Texte original

Le soir, dans l’hiver, je m’arrêtais devant les maisons éclairées où l’on dansait, et je regardais des ombres passer derrière des rideaux rouges, j’entendais des bruits chargés de luxe, des verres qui claquaient sur des plateaux, de l’argenterie qui tintait dans des plats, et je me disais qu’il ne dépendait que de moi de prendre part à cette fête où l’on se ruait, à ce banquet où tous mangeaient ; un orgueil sauvage m’en écartait, car je trouvais que ma solitude me faisait beau, et que mon cœur était plus large à le tenir éloigné de tout ce qui faisait la joie des hommes. Alors je continuais ma route à travers les rues désertes, où les réverbères se balançaient tristement en faisant crier leurs poulies.

Je rêvais la douleur des poètes, je pleurais avec eux leurs larmes les plus belles, je les sentais jusqu’au fond du cœur, j’en étais pénétré, navré, il me semblait parfois que l’enthousiasme qu’ils me donnaient me faisait leur égal et me montait jusqu’à eux ; des pages, où d’autres restaient froids, me transportaient, me donnaient une fureur de pythonisse, je m’en ravageais l’esprit à plaisir, je me les récitais au bord de la mer, ou bien j’allais, la tête baissée, marchant dans l’herbe, me les disant de la voix la plus amoureuse et la plus tendre.

Malheur à qui n’a pas désiré des colères de tragédie, à qui ne sait pas par cœur des strophes amoureuses pour se les répéter au clair de lune ! il est beau de vivre ainsi dans la beauté éternelle, de se draper avec les rois, d’avoir les passions à leur expression la plus haute, d’aimer les amours que le génie a rendus immortels.

Dès lors, je ne vécus plus que dans un idéal sans bornes, où, libre et volant à l’aise, j’allais comme une abeille cueillir sur toutes choses de quoi me nourrir et vivre ; je tâchais de découvrir, dans les bruits des forêts et des flots, des mots que les autres hommes n’entendaient point, et j’ouvrais l’oreille pour écouter la révélation de leur harmonie ; je composais avec les nuages et le soleil des tableaux énormes, que nul langage n’eût pu rendre, et, dans les actions humaines également, j’y percevais tout à coup des rapports et des antithèses dont la précision lumineuse m’éblouissait moi-même. Quelquefois l’art et la poésie semblaient ouvrir leurs horizons infinis et s’illuminer l’un l’autre de leur propre éclat, je bâtissais des palais de cuivre rouge, je montais éternellement dans un ciel radieux, sur un escalier de nuages plus mous que des édredons.

Texte original

Le soir, dans l’hiver, je m’arrêtais devant les maisons éclairées où l’on dansait, et je regardais des ombres passer derrière des rideaux rouges, j’entendais des bruits chargés de luxe, des verres qui claquaient sur des plateaux, de l’argenterie qui tintait dans des plats, et je me disais qu’il ne dépendait que de moi de prendre part à cette fête où l’on se ruait, à ce banquet où tous mangeaient ; un orgueil sauvage m’en écartait, car je trouvais que ma solitude me faisait beau, et que mon cœur était plus large à le tenir éloigné de tout ce qui faisait la joie des hommes. Alors je continuais ma route à travers les rues désertes, où les réverbères se balançaient tristement en faisant crier leurs poulies.

Je rêvais la douleur des poètes, je pleurais avec eux leurs larmes les plus belles, je les sentais jusqu’au fond du cœur, j’en étais pénétré, navré, il me semblait parfois que l’enthousiasme qu’ils me donnaient me faisait leur égal et me montait jusqu’à eux ; des pages, où d’autres restaient froids, me transportaient, me donnaient une fureur de pythonisse, je m’en ravageais l’esprit à plaisir, je me les récitais au bord de la mer, ou bien j’allais, la tête baissée, marchant dans l’herbe, me les disant de la voix la plus amoureuse et la plus tendre.

Malheur à qui n’a pas désiré des colères de tragédie, à qui ne sait pas par cœur des strophes amoureuses pour se les répéter au clair de lune ! il est beau de vivre ainsi dans la beauté éternelle, de se draper avec les rois, d’avoir les passions à leur expression la plus haute, d’aimer les amours que le génie a rendus immortels.

Dès lors, je ne vécus plus que dans un idéal sans bornes, où, libre et volant à l’aise, j’allais comme une abeille cueillir sur toutes choses de quoi me nourrir et vivre ; je tâchais de découvrir, dans les bruits des forêts et des flots, des mots que les autres hommes n’entendaient point, et j’ouvrais l’oreille pour écouter la révélation de leur harmonie ; je composais avec les nuages et le soleil des tableaux énormes, que nul langage n’eût pu rendre, et, dans les actions humaines également, j’y percevais tout à coup des rapports et des antithèses dont la précision lumineuse m’éblouissait moi-même. Quelquefois l’art et la poésie semblaient ouvrir leurs horizons infinis et s’illuminer l’un l’autre de leur propre éclat, je bâtissais des palais de cuivre rouge, je montais éternellement dans un ciel radieux, sur un escalier de nuages plus mous que des édredons.

Texte traduit en Chinois

冬夜,我驻足在明亮的房屋前,里面的人在跳舞。而我凝视着几抹人影,从红色帘幕后掠过,听见充斥奢华的声响,玻璃杯在托盘上碰撞的声音,银器在餐盘里叮当作响。于是,我告诉自己,参加这场人们蜂拥而至的聚会,出席这场众人进餐的饗宴,仅取决于我而已。离群索居的傲慢,令我避开这些,因为我觉得孤独使我俊美,我的心灵远离任何构成人类愉悦的事情时,就更宽广了。于是,我继续走自己的路,穿越人迹罕至的街巷,那儿的路灯凄凉地挂着,悬挂轮发出尖叫。

我幻想着诗人的痛苦,一同为他们最美的泪珠而哭泣。我感到这泪水一直流进心底,整个人被泪水浸透,悲痛不已。有时,似乎我身上被他们激发的热忱,使我得以与他们相媲美,将我拔高至他们的高度。其他人平静无惑的篇章,却令我情绪激扬,让我有一种女祭司皮提亚式的狂热,让我毫无缘由地心智不宁。在海边,我自顾自地吟诵这些篇章,又或者,垂头漫步,踏进草丛,一边用最饱含爱意、最温柔的声音默默地诵读它们。

不渴望悲剧式愤慨的人,不熟知情意绵绵的诗节、不能在月光下反复吟诵它们的人,这些人多么不幸呀!活在永恒的美之中,表现出国王般的神气,拥有极致表达的激情,爱着因才华而不朽的爱人,这样活着是多么的美好。

自此,我就只活在辽无边际的理想中了。我在那儿自由自在地飞舞,像蜜蜂一样,去摘采一切我赖以生存和汲取营养之物。在森林与波涛的呼啸声中,努力发现那些他人听不到的话语,侧耳倾听他们的和谐启示。我用云和太阳创作一幅幅言语难以描绘的辽阔画卷;而在人类的行动里亦是如此,我蓦然从中察觉到些许的关系与对照,清晰精确令我迷醉。偶尔,艺术与诗歌仿佛打开了他们无穷无尽的地平线,用自身的光彼此照亮,我修建着一座座紫铜宫殿,在光芒四射的天空中,攀爬着那比羽绒更柔软的云彩之梯,永不停歇。

Traduction inédite de Novembre en chinois

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