J'aime l'automne, cette triste saison va bien aux souvenirs. Quand les arbres n'ont plus de feuilles, quand le ciel conserve encore au crépuscule la teinte rousse qui dore l'herbe fanée, il est doux de regarder s'éteindre tout ce qui naguère brûlait encore en vous.
Je viens de rentrer de ma promenade dans les prairies vides, au bord des fossés froids où les saules se mirent; le vent faisait siffler leurs branches dépouillées, quelquefois il se taisait, et puis recommençait tout à coup ; alors les petites feuilles qui restent attachées aux broussailles tremblaient de nouveau, l'herbe frissonnait en se penchant sur terre, tout semblait devenir plus pâle et plus glacé ; à l'horizon le disque du soleil se perdait dans la couleur blanche du ciel, et le pénétrait alentour d'un peu de vie expirante. J'avais froid et presque peur.
Je me suis mis à l'abri derrière un monticule de gazon, le vent avait cessé. Je ne sais pourquoi, comme j'étais là, assis par terre, ne pensant à rien et regardant au loin la fumée qui sortait des chaumes, ma vie entière s'est placée devant moi comme un fantôme, et l'amer parfum des jours qui ne sont plus m'est revenu avec l'odeur de l'herbe séchée et des bois morts ; mes pauvres années ont repassé devant moi, comme emportées par l'hiver dans une tourmente lamentable ; quelque chose de terrible les roulait dans mon souvenir, avec plus de furie que la brise ne faisait courir les feuilles dans les sentiers paisibles ; une ironie étrange les frôlait et les retournait pour mon spectacle, et puis toutes s'envolaient ensemble et se perdaient dans un ciel morne.
Elle est triste, la saison où nous sommes : on dirait que la vie va s'en aller avec le soleil, le frisson vous court dans le cœur comme sur la peau, tous les bruits s'éteignent, les horizons pâlissent, tout va dormir ou mourir. Je voyais tantôt les vaches rentrer, elles beuglaient en se tournant vers le couchant, le petit garçon qui les chassait devant lui avec une ronce grelottait sous ses habits de toile, elles glissaient sur la boue en redescendant la côte, et écrasaient quelques pommes restées dans l'herbe. Le soleil jetait un dernier adieu derrière les collines confondues, les lumières des maisons s'allumaient dans la vallée, et la lune, l'astre de la rosée, l'astre des pleurs, commençait à se découvrir d'entre les nuages et à montrer sa pâle figure.
J'aime l'automne, cette triste saison va bien aux souvenirs. Quand les arbres n'ont plus de feuilles, quand le ciel conserve encore au crépuscule la teinte rousse qui dore l'herbe fanée, il est doux de regarder s'éteindre tout ce qui naguère brûlait encore en vous.
Je viens de rentrer de ma promenade dans les prairies vides, au bord des fossés froids où les saules se mirent; le vent faisait siffler leurs branches dépouillées, quelquefois il se taisait, et puis recommençait tout à coup ; alors les petites feuilles qui restent attachées aux broussailles tremblaient de nouveau, l'herbe frissonnait en se penchant sur terre, tout semblait devenir plus pâle et plus glacé ; à l'horizon le disque du soleil se perdait dans la couleur blanche du ciel, et le pénétrait alentour d'un peu de vie expirante. J'avais froid et presque peur.
Je me suis mis à l'abri derrière un monticule de gazon, le vent avait cessé. Je ne sais pourquoi, comme j'étais là, assis par terre, ne pensant à rien et regardant au loin la fumée qui sortait des chaumes, ma vie entière s'est placée devant moi comme un fantôme, et l'amer parfum des jours qui ne sont plus m'est revenu avec l'odeur de l'herbe séchée et des bois morts ; mes pauvres années ont repassé devant moi, comme emportées par l'hiver dans une tourmente lamentable ; quelque chose de terrible les roulait dans mon souvenir, avec plus de furie que la brise ne faisait courir les feuilles dans les sentiers paisibles ; une ironie étrange les frôlait et les retournait pour mon spectacle, et puis toutes s'envolaient ensemble et se perdaient dans un ciel morne.
Elle est triste, la saison où nous sommes : on dirait que la vie va s'en aller avec le soleil, le frisson vous court dans le cœur comme sur la peau, tous les bruits s'éteignent, les horizons pâlissent, tout va dormir ou mourir. Je voyais tantôt les vaches rentrer, elles beuglaient en se tournant vers le couchant, le petit garçon qui les chassait devant lui avec une ronce grelottait sous ses habits de toile, elles glissaient sur la boue en redescendant la côte, et écrasaient quelques pommes restées dans l'herbe. Le soleil jetait un dernier adieu derrière les collines confondues, les lumières des maisons s'allumaient dans la vallée, et la lune, l'astre de la rosée, l'astre des pleurs, commençait à se découvrir d'entre les nuages et à montrer sa pâle figure.
我喜欢秋天,这个悲伤的季节适宜于回忆。当树叶落尽,黄昏时分橙红的余晖把枯草染成金色,看着不久前还在燃烧的一切渐渐熄灭,心中一片柔和。
我刚刚从空旷的原野散步回来。那里,在冷冽的溪渠边,丛生的柳树倒映在水中。风吹着披散的枝条嘶嘶作响,有时安静下来,然后又突然开始;未落的细小柳叶于是重新颤动起来,枯草也微微颤抖着伏向地面,一切似乎都变得更加苍白寒冷。在天际,日轮消融在茫茫的天色里,连同着残存的一点生命。我感到一阵寒意,几乎有些害怕。
我躲到一座爬满荒草的小山背面,风停住了。当我席地而坐,放空思绪,只看着远方茅屋顶上的青烟时,不知为何,我的一生像幻影般出现在我眼前,伴着荒草和枯木的气息,我重新尝到过往的苦涩滋味。曾经的种种忧伤历历在目,仿佛被寒冬凄厉的风暴裹挟而来;在我的回忆中,它们被某种骇人的东西翻搅着,比寂静的小径上秋风吹起落叶来得更加猛烈。好像受一种奇怪的讽刺轻轻吹拂着,它们重回我的视线,然后又一同飞走,消失在阴暗的天空中。
我们身处的这个季节充满悲凉:仿佛生命随着太阳一起落下,颤栗从肌肤传进心底,万籁俱寂,地平线也渐渐褪色,一切都将睡去,或者消逝。我先前看见晚归的牛群,它们转向落日,哞哞叫着。赶牛的小男孩拿着荆条,穿着布衣瑟瑟发抖。牛群从泥泞的山坡上滑下,踩碎了落在草地里的苹果。在层层丘陵模糊的轮廓后面,落日在作它最后的告别。山谷中的家家户户都点上灯火,而月亮,这露珠与泪水之星,也逐渐探出云层,展露它黯淡的容颜。
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