Traduction inédite des Mémoires d'un fou en chinois · Centre Gustave Flaubert

Mémoires d’un fou lu par Meng Yao

Lu par Meng Yao

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Texte original

[…] Tu es grand, homme ! non par le corps sans doute, mais par cet esprit qui t’a fait, dis-tu, le roi de la nature ; tu es grand, maître et fort.

Chaque jour, en effet, tu bouleverses la terre, tu creuses des canaux, tu bâtis des palais, tu enfermes les fleuves entre des pierres, tu cueilles l’herbe, tu la pétris et tu la manges ; tu remues l’Océan avec la quille de tes vaisseaux, et tu crois tout cela beau ; tu te crois meilleur que la bête fauve que tu manges, plus libre que la feuille emportée par les vents, plus grand que l’aigle qui plane sur les tours, plus fort que la terre dont tu tires ton pain et tes diamants et que l’Océan sur lequel tu cours. Mais, hélas ! la terre que tu remues, renaît d’elle-même, tes canaux se détruisent, les fleuves envahissent tes champs et tes villes, les pierres de tes palais se disjoignent et tombent d’elles-mêmes, les fourmis courent sur tes couronnes et sur tes trônes, toutes tes flottes ne sauraient marquer plus de traces de leur passage sur la surface de l’Océan qu’une goutte de pluie et que le battement d’aile de l’oiseau. Et, toi-même, tu passes sur cet océan des âges sans laisser plus de traces de toi-même que ton navire n’en laisse sur les flots. Tu te crois grand parce que tu travailles sans relâche, mais ce travail est une preuve de ta faiblesse. Tu étais donc condamné à apprendre toutes ces choses inutiles au prix de tes sueurs, tu étais esclave avant d’être né, et malheureux avant de vivre ! Tu regardes les astres avec un sourire d’orgueil parce que tu leur as donné des noms, que tu as calculé leur distance, comme si tu voulais mesurer l’infini et enfermer l’espace dans les bornes de ton esprit. Mais tu te trompes ! Qui te dit que derrière ces mondes de lumières, il n’y en a pas d’autres infinis encore, et toujours ainsi ? Peut-être que tes calculs s’arrêtent à quelques pieds de hauteur, et que là commence une échelle nouvelle de faits... Comprends-tu toi-même la valeur des mots dont tu te sers... étendue, espace ? Ils sont plus vastes que toi et ton globe.

Tu es grand et tu meurs, comme le chien et la fourmi, avec plus de regret qu’eux, et puis tu pourris, et je te le demande, quand les vers t’ont mangé, quand ton corps s’est dissout dans l’humidité de la tombe, et que ta poussière n’est plus, où es-tu, homme ? Où est même ton âme ? cette âme qui était le moteur de tes actions, qui livrait ton cœur à la haine, à l’envie, à toutes les passions, cette âme qui te vendait et qui te faisait faire tant de bassesses, où est-elle ? Est-il un lieu assez saint pour la recevoir ? Tu te respectes et tu t’honores comme un Dieu, tu as inventé l’idée de dignité de l’homme, idée que rien dans la nature ne pourrait avoir en te voyant ; tu veux qu’on t’honore et tu t’honores toi-même, tu veux même que ce corps, si vil pendant sa vie, soit honoré quand il n’est plus. Tu veux qu’on se découvre devant ta charogne humaine, qui se pourrit de corruption, quoique plus pure encore que toi quand tu vivais. C’est là ta grandeur.

Grandeur de poussière, majesté de néant !

Texte original

[…] Tu es grand, homme ! non par le corps sans doute, mais par cet esprit qui t’a fait, dis-tu, le roi de la nature ; tu es grand, maître et fort.

Chaque jour, en effet, tu bouleverses la terre, tu creuses des canaux, tu bâtis des palais, tu enfermes les fleuves entre des pierres, tu cueilles l’herbe, tu la pétris et tu la manges ; tu remues l’Océan avec la quille de tes vaisseaux, et tu crois tout cela beau ; tu te crois meilleur que la bête fauve que tu manges, plus libre que la feuille emportée par les vents, plus grand que l’aigle qui plane sur les tours, plus fort que la terre dont tu tires ton pain et tes diamants et que l’Océan sur lequel tu cours. Mais, hélas ! la terre que tu remues, renaît d’elle-même, tes canaux se détruisent, les fleuves envahissent tes champs et tes villes, les pierres de tes palais se disjoignent et tombent d’elles-mêmes, les fourmis courent sur tes couronnes et sur tes trônes, toutes tes flottes ne sauraient marquer plus de traces de leur passage sur la surface de l’Océan qu’une goutte de pluie et que le battement d’aile de l’oiseau. Et, toi-même, tu passes sur cet océan des âges sans laisser plus de traces de toi-même que ton navire n’en laisse sur les flots. Tu te crois grand parce que tu travailles sans relâche, mais ce travail est une preuve de ta faiblesse. Tu étais donc condamné à apprendre toutes ces choses inutiles au prix de tes sueurs, tu étais esclave avant d’être né, et malheureux avant de vivre ! Tu regardes les astres avec un sourire d’orgueil parce que tu leur as donné des noms, que tu as calculé leur distance, comme si tu voulais mesurer l’infini et enfermer l’espace dans les bornes de ton esprit. Mais tu te trompes ! Qui te dit que derrière ces mondes de lumières, il n’y en a pas d’autres infinis encore, et toujours ainsi ? Peut-être que tes calculs s’arrêtent à quelques pieds de hauteur, et que là commence une échelle nouvelle de faits... Comprends-tu toi-même la valeur des mots dont tu te sers... étendue, espace ? Ils sont plus vastes que toi et ton globe.

Tu es grand et tu meurs, comme le chien et la fourmi, avec plus de regret qu’eux, et puis tu pourris, et je te le demande, quand les vers t’ont mangé, quand ton corps s’est dissout dans l’humidité de la tombe, et que ta poussière n’est plus, où es-tu, homme ? Où est même ton âme ? cette âme qui était le moteur de tes actions, qui livrait ton cœur à la haine, à l’envie, à toutes les passions, cette âme qui te vendait et qui te faisait faire tant de bassesses, où est-elle ? Est-il un lieu assez saint pour la recevoir ? Tu te respectes et tu t’honores comme un Dieu, tu as inventé l’idée de dignité de l’homme, idée que rien dans la nature ne pourrait avoir en te voyant ; tu veux qu’on t’honore et tu t’honores toi-même, tu veux même que ce corps, si vil pendant sa vie, soit honoré quand il n’est plus. Tu veux qu’on se découvre devant ta charogne humaine, qui se pourrit de corruption, quoique plus pure encore que toi quand tu vivais. C’est là ta grandeur.

Grandeur de poussière, majesté de néant !

Texte traduit en Chinois

人啊,你多伟大,当然不是因为身体,而是因为你的精神,据说那精神将你造就成自然的国王;你多伟大啊,强大的主宰。

确实如此,每天,你翻动土地,开凿运河,修建宫殿,把江河禁锢在石坝之间,你采摘草药,捣碎吃掉;你用船只的龙骨搅动大海,还以为很美;你自以为比你吞下的野兽优越,比被风卷走的树叶自由,比塔顶盘旋的雄鹰伟岸,比你收获面包和钻石的土地更有力,比你穿行其上的海洋更宏大。但是,唉,你翻动的土地会复生,运河会毁坏,河流会侵袭你的田野和城市,你宫殿的石块会轰然倒地,蚂蚁会爬上你的王冠和宝座,你所有的船队只如一滴雨水或海鸟拍打的翅膀,不会在大海表面留下任何痕迹。而你自己,你穿越年岁的海洋,如同你的船只穿越波浪,也不会留下任何痕迹。你自以为伟大,因为你辛勤工作,而这工作恰恰是你虚弱的证明。因为你不得不以汗水为代价,去学习所有无用的东西;你出生前就是奴隶,存在之前就已是不幸!你带着骄傲的微笑观赏星辰,因为是你来为它们命名,你计算它们的距离,仿佛想度量无限,将宇宙禁锢在你思想的界限,但你错了!谁说这些光明世界的背后,没有另外的世界,更为无穷无尽,永远如此?或许你的计算只能达到几尺的高度,而新的事实序列正从那里开启?广延、空间……你真的明白这些词语的意义吗?它们远比你和你的地球要辽阔。

你多伟大,而你会死去,就像狗和蚂蚁,还要带着更大的遗憾;而后你会腐烂,我问你,当蛆虫把你啃食,当你的尸体在潮湿的坟墓中化为灰烬,当你的灰烬都不复存在,人啊,那时你又在哪里?你的灵魂在哪里?这灵魂可是你行动的动力,它把你的心抛给仇恨、欲望、一切的激情,这灵魂出卖你,让你做出那么多无耻勾当,它又在哪里?有没有神圣的地方可以存放?你自尊自爱,自捧为上帝,你为人类发明了尊严的概念,可知自然界没有任何事物看到你会有此想法;你想让人尊敬你,你也尊敬你自己,你还想让这身体,这生前如此不堪的身体,在死后依然得到敬重。你想让人在你的尸体前脱帽致意,那尸体虽然早已腐烂,却比你生前更加纯净。这就是你的伟大之处。

尘埃的伟大,虚无的庄严!

Première traduction de Bouvard et Pécuchet en thaï

Traduction inédite des Mémoires d'un fou en chinois

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