Aristophane

La République athénienne [sur l'affaire de la Mazarine]

Auteur
Aristophane
Édition
François Vanoosthuyse
Date de publication
16 octobre 2022
Détails

Texte paru dans Le Figaro, le 15 février 1879.
En ligne sur Gallica.

Document saisi par François Lapèlerie, été 2012.
Première publication sur le site Flaubert : 2012.


Voici une histoire piquante et toute fraîche :

On sait que M. Gustave Flaubert, l’auteur de Madame Bovary, a perdu presque toute sa fortune dans une entreprise commerciale où il s’était engagé par pure bonté pour un de ses parents. Les amis du romancier avaient songé à obtenir pour lui la succession de M. de Sacy, dont la mort était imminente, à la Bibliothèque Mazarine.

Tourguenieff, l’éminent écrivain russe, se chargea de faire les démarches nécessaires : il alla voir une grande dame de la République dont le salon est le rendez-vous de tous les personnages influents.

— Faites-moi l’honneur de venir à ma première soirée, répondit la dame à M. Tourguenieff ; je vous présenterai à M. Gambetta.

Au jour indiqué, M. Tourguenieff se présente ; il voit le Président de la Chambre en train de faire sa digestion, mollement étendu dans un sopha ; à côté de lui la maîtresse de la maison ; derrière lui tout un état-major de fonctionnaires et de députés.

M. Tourguenieff s’avance vers le groupe, salue la maîtresse de maison, qui aussitôt se penche vers M. Gambetta et nomme le visiteur.

M. le Président de la Chambre daigne à peine regarder l’écrivain ; il ne se dérange pas pour si peu. Fort surpris, M. Tourguenieff expose en quelques mots le but de sa visite ; le mauvais accueil ne le décourage pas, car il est venu pour rendre service à un ami.

La maîtresse de maison se penche de nouveau vers M. Gambetta et lui dit quelques mots à voix basse. Ce à quoi M. le président de la Chambre, d’un ton sec et hautain, riposte :

— Non, cela ne se fera pas ! Je ne le veux pas !

« Je ne le veux pas ! » Feringhea ayant parlé, M. Tourguenieff, suffisamment renseigné sur l’atticisme dictatorial, s’éloigna en jurant un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus.

Donc, un des premiers écrivains de ce temps ne succédera pas à M. de Sacy, parce que M. Gambetta ne le veut pas. En vain prétendrait-on que M. Flaubert n’a pas les titres administratifs pour succéder à M. de Sacy : M. Ulbach en avait-il lui qui vient d’être nommé à l’Arsenal ?

Voilà comme nous sommes gouvernés ! On ne dira assurément pas que nous vivons sous le régime du bon plaisir !

Aristophane, « La République athénienne [sur l'affaire de la Mazarine] », Centre Flaubert [en ligne]. https://flaubert.univ-rouen.fr/qui-%C3%A9tait-flaubert/%C3%A9tudes-biographiques/flaubert-dans-la-presse-contemporaine/la-republique-athenienne-sur-laffaire-de-la-mazarine/ (consulté le 28 mars 2024).
Photographie de Léon Gambetta par Carjat.

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